L’aventure indienne
Vasco de Gama aspirait lui aussi à atteindre les îles des épices, mais en dessinant une toute autre trajectoire : contrairement à Christoph Colomb, il décida de partir vers le sud pour longer la côte ouest de l’Afrique en 1497. Dix ans plus tôt, en 1487, Bartholomeu Dias, un autre Portugais, avait découvert un cap situé tout au sud de l’Afrique, ce qui permettait d’envisager le contournement du continent africain ; il fut baptisé ‘Cap de Bonne-Espérance’ car les Portugais avaient désormais ‘bon espoir’ d’accéder aux Indes par voie maritime. Vasco de Gama atteignit Calicut en 1498, sur la côte de Malabar. Le rêve de toute une époque prenait enfin forme : une nouvelle route vers les Indes était ouverte.
Dès sa première expédition, Vasco de Gama ramena du poivre dans ses navires, le même poivre que la classe aisée aimait consommer avec ostentation. Le vrai. Cela lui vaudra un retour triomphant à Lisbonne et ne laissa aucun doute quant au continent qu’il avait visité, pendant que Christoph Colomb, n’ayant jamais réussi à trouver les épices qu’il cherchait, était rempli d’hésitations : n’avait-t-il pas trouvé, peut-être, un ‘Nouveau Monde’ ?
Calicut au 15e siècle. Gravure
Vasco de Gama (environ 1469-1524), gravure de 1883
©Shutterstock/Everett Historical
Calicut au 15e siècle. Gravure
Vasco de Gama (environ 1469-1524), gravure de 1883
©Shutterstock/Everett Historical
Avec force d’armes, les Portugais colonisèrent Goa et imposèrent leur présence le long de la côte ouest de l’Inde afin de s’assurer le contrôle du commerce des épices. Avec eux arriva le piment, celui provenant des Amériques, découvert par Colomb et délaissé par l’aristocratie européenne. Le fruit rouge, piquant, inconnu jusqu’alors, séduisit immédiatement la population locale. Les Indiens du Sud notamment, habitués à épicer leurs plats avec abondance de poivre long et poivre noir, découvrirent vite les potentialités du piment et l’intégrèrent dans leur cuisine. Il n’est pas exagéré d’affirmer que le piment devint un ingrédient essentiel dans la préparation des mets, relevant riz, légumes et lentilles, jusqu’à devenir l’un des traits caractéristiques de la cuisine indienne.
S’en suivit une diffusion très rapide dans le monde entier. En suivant la route de la soie, il pénétra en Afghanistan, arriva à Samarkand, puis se répandit au Népal et en Chine. Il semble que les Turcs le transportèrent depuis l’Inde avec les autres épices sur leur route commerciale pour l’intégrer à leur cuisine. Lors de l’invasion de la Hongrie en 1526, les Turcs y introduisirent le piment, donnant aux Hongrois le goût pour les mets relevés au paprika.
En 1500, à nouveau en route pour ‘les Indes’, les Portugais découvrirent le Brésil et y trouvèrent des piments, appelés quijà ou quiya par les locaux. De là, ils les transportèrent par bateau – accompagnés d’autres denrées alimentaires telles que le maïs, le manioc et l’ananas – vers les côtes africaines, dans le golfe de Guinée, en Angola et au Mozambique. Le piment ajouta un supplément de saveur bienvenu aux régimes alimentaires de l’Afrique subsaharienne basés sur l’igname, le sorgho et le mil, plantes nutritives mais plutôt fades.
Les Espagnols, quant à eux, caressaient toujours l’idée de commercer directement avec l’Asie. En vertu du traité de Tordesillas de 1494, qui partageait le monde entre Espagnols et Portugais selon un méridien situé à 370 lieues (1770 km ou 46° 37' ouest) à l'ouest des îles du Cap Vert, ils ne pouvaient pas faire le tour de l’Afrique par la mer. Cette route maritime était désormais réservée à leurs voisins. C’est ainsi que les Espagnols poursuivirent l’exploration de l’Amérique centrale, puis, depuis Acapulco et Lima, s’aventurèrent dans le Pacifique pour rejoindre l’Asie. Avec eux, le piment voyagea alors vers l’Ouest jusqu’à Manille, puis dans le sud de la Chine.
Culture de piment biologique en Thaïlande
©Shutterstock/Cherngchay Donkhuntod
Variétés de piments dans un marché de São Paulo, Brésil, 2015
©Shutterstock/dubes sonego
Le paprika sous toutes ses formes en vente au Grand Marché couvert de Budapest, Hongrie, 2014
©Shutterstock/Elena Pominova
Paprika moulu en vente sur les étals du Grand Marché couvert de Budapest, Hongrie, 2014
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