Au sein de leur foyer, les Mexicains érigent des autels en l’honneur des disparus, et y installent une sélection d’objets et de nourriture autrefois appréciés du défunt: des jouets et des sucreries pour un enfant, de la bière, de la tequila ou du tabac pour un adulte. Ils n’oublient pas d’y placer un verre d’eau pour désaltérer l’âme après son long voyage depuis l’au-delà, et un petit tas de sel pour la purifier.
Fin octobre, il est temps de nettoyer les tombes et de les décorer d’une profusion d’œillets d’inde jaune d’or et de fleurs d’amarante. Enfin, le soir du 1er novembre, toute la famille se rend au cimetière, allume d’innombrables cierges, brule du copal –une résine semi-fossile - pour guider les âmes des défunts et place sur chaque tombe des paniers de victuailles. Les Mexicains y passent la nuit entière; se mêlent des sentiments contrastés, qui balancent entre recueillement, solennité et joie des retrouvailles. Ensemble, morts et vivants boivent, mangent, parlent et chantent.
«Poulet enterré» et autres plats de circonstance
La fête des morts, comme beaucoup d’évènements au Mexique, fait la part belle à la gastronomie. Les célébrations varient en fonction des régions, et certains plats sont cuisinés spécialement pour être dégustés pendant ces jours de fête. Dans le Yucatán on réalise ainsi le “Muc Bil Pollo”, qui signifie littéralement “poulet enterré”. Il s’agit d’un plat à base de maïs, de poulet et de porc, qui cuit longuement dans un four creusé à même le sol, la veille du jour des morts.
©Shutterstock / AG Cuesta
Une part de mole poblano, dans un plat traditionnel en talavera de Puebla.
© Laurange Marie Ange Unbekandt
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Une part de mole poblano, dans un plat traditionnel en talavera de Puebla.
© Laurange Marie Ange Unbekandt
Pourtant, les recettes que l’on sert lors de ces jours de fête sont souvent les grands classiques du répertoire culinaire mexicain, des plats de famille, car ils sont toujours réalisés en fonction des goûts qu’avaient les défunts lors de leur vivant. Les tamales, de petits pains de maïs, sont ainsi presque obligatoirement de la partie et étaient d’ailleurs déjà présents, sous une forme légèrement différente, lors des rituels préhispaniques. Il en existe aujourd’hui d’innombrables recettes, sucrés ou salés, fourrés ou non, servis chauds enveloppés dans une spathe de maïs ou dans une feuille de bananier. Le mole, un ragoût de viande en sauce d’origine précolombienne -son nom provient de “mulli”, qui signifie sauce en nahuatl- est un autre plat emblématique, souvent servi à cette occasion. Le plus connu hors des frontières mexicaines est sans doute le mole poblano, créé à Puebla par des nonnes au XVIIème siècle, car il contient quelques grammes de chocolat.
Quels que soient les plats consommés au cours du Dia de los muertos, ils revêtent toujours une dimension à la fois sacrée et profane. Nourriture pour le corps, ils sont avant tout une nourriture pour l’âme, celle des morts et celle des vivants.