Yin et Yang en cuisine
Pot à gingembre ©iStock/Reload Studio
La diététique chinoise est l’une des branches de la médecine traditionnelle chinoise, aux côtés de l'acupuncture, la pharmacopée et le massage Tui Na. Des exercices physiques comme le Qi Gong ou le Tai-chi Chuan font partie de la culture chinoise et sont pratiqués en complément de la médecine. Née il y a plus de 2000 ans, la médecine traditionnelle chinoise se base sur une vision de l’univers où toute chose recèle deux principes indissociables et complémentaires : le Yin et le Yang. « Manifestation du Qi qui baigne l’Univers, le Yin et le Yang se définissent réciproquement et coexistent dans une relation dynamique et interdépendante »1. Ainsi, la nuit appartient au Yin et le jour appartient au Yang, le bas appartient au Yin tandis que le haut appartient au Yang, la lenteur appartient au Yin, la rapidité au Yang, etc. En Chine, cette conception du monde s’applique aussi aux aliments.
Nature des aliments
La diététique chinoise classe les aliments selon leur nature ‘neutre’, ’tiède’, ‘chaude’, ‘fraîche’ ou ‘froide’. Cette classification reflète l’effet généré par l’aliment dans l’organisme. Cela peut être une sensation de chaleur ou de fraîcheur, indépendamment de la température à laquelle il est consommé, ou encore une sensation d’excitation (tonification de l’énergie) ou de relaxation (dispersion de l’énergie). La nature d’un aliment peut être hyper-yin (froide), yin (fraîche), neutre, yang (tiède) ou hyper-yang (chaude). Les aliments hyper-yin et yin ‘rafraîchissent’ le corps. Sont inclus dans cette catégorie la presque totalité des légumes verts – l’artichaut, l’épinard, le concombre, etc. Les légumes racines comme la betterave, la carotte, le navet ainsi que les tubercules – le topinambour, la pomme de terre sont plutôt frais. Seront yin également le lait, le yaourt, les fromages maigres, les œufs, certains produits de la mer comme les huîtres, les moules ainsi que tous les coquillages. Parmi les condiments, on trouve le sel ainsi que les sauces salées, comme la sauce soja ou le nuoc-mâm.
Les aliments hyper-yang et yang ‘réchauffent’ le corps et ont un effet tonifiant. Plusieurs types de viandes font partie de cette catégorie, comme par exemple le gibier, le bœuf, l’agneau, le poulet, les abats, mais aussi les crevettes et les poissons gras. Sont de nature tiède ou chaude aussi le beurre, la crème fraîche, les fromages gras ainsi que la plupart des épices et des herbes aromatiques. Le sucre, l’alcool, le chocolat, le café et le thé noir rentrent également dans cette catégorie.
Les aliments de nature ‘neutre’ apportent une énergie équilibrée, structurante et stabilisante. Ils se caractérisent souvent par une saveur relativement douce, « qui est la saveur de la nutrition par excellence. Elle fortifie, renforce, nourrit »2. La plupart des céréales et des légumineuses en font partie.
L’influence du mode de préparation et de la cuisson
Chaque aliment a sa nature intrinsèque, mais elle peut être plus ou moins modifiée en fonction du mode de préparation. Les cuissons au four, les préparations au feu telles que les grillades ou encore le fumage sont considérées comme des interventions de type yang sur les aliments c’est à dire qu’elles les rendent plus Yang (plus réchauffant ou tonifiant). Pocher, bouillir ou encore cuire à la vapeur sont des préparations dites ‘à l’eau et au feu’ : de nature neutre ou yin, elles « rendent les aliments très assimilables par notre système digestif, ne demandant que peu de dépense énergétique. De plus, ils procurent une température réconfortante et réchauffent le corps »3. Laisser un aliment cru (pour le manger en salade par exemple) ou le faire fermenter – comme le lait qui se transforme en yoghourt – sont des préparations hyper-yin, alors que les fritures sont considérées hyper-yang.
Typologie des constitutions
D’après la médecine chinoise, la théorie du Yin et du Yang s’applique également aux êtres humains, et chaque individu a la sienne. On distingue cinq grandes familles de constitutions4 : une personne peut être hyper-yang (hyperactif, nerveux, extraverti), yang (actif, peu émotif, extraverti), yin-yang neutre (actif ou peu actif, peu émotif, paisible), yin (actif, émotif, introverti) ou encore hyper-yin (peu actif, hyperémotif, introverti). Ajoutons que l’appartenance à l’une ou l’autre de ces catégories n’est pas fixe : il est tout à fait possible que l’on ‘change de famille’ au fil des années5.
Les cinq saveurs de la diététique chinoise
Dans la diététique traditionnelle chinoise, on prête une attention toute particulière aux cinq saveurs. Le terme ‘saveurs’ (wèi味) recouvre une dimension beaucoup plus large que celle à laquelle nous occidentaux sommes habitués et n’est pas qu’une affaire de sensation au palais.
L’acide (suān酸), l’amer (kǔ苦), le doux (gān甘), le piquant (xīn辛) et le salé (xián咸) sont les cinq saveurs principales6. Selon la diététique chinoise, chacune de ces saveurs a un tropisme sur un organe du corps humain, un organe destinataire dans lequel elle va entrer7 et agir. Prise en quantité modérée, une saveur agira de manière bénéfique, en nourrissant l’organe qui lui est associé ; à l’inverse, l’excès ou la carence d’une saveur aura un effet négatif sur l’organe associé. Si les saveurs agissent sur des organes spécifiques ainsi que sur leurs méridiens, elles ont aussi des effets précis sur le métabolisme.
La saveur acide, que l’on retrouve en abondance dans les agrumes, est associée au foie. Elle est astringente et tend à retenir les liquides du corps, c’est pourquoi les aliments de cette saveur sont souvent utiles pour aider à combattre les diarrhées ou la transpiration excessive8. La saveur amère est reliée au cœur. Tout en ayant des propriétés apéritives9, elle a la particularité de drainer la chaleur excessive. Elle est présente dans le café, les asperges ou encore les salades amères comme la scarole. La saveur douce, reliée à la rate et à l’estomac, est réputée être particulièrement nourrissante. Il s’agit d’une saveur que l’on retrouve dans beaucoup de céréales comme le riz, le maïs ou le blé, dans les légumineuses (fèves, haricots, pois cassés…) ainsi que dans les fruits et bien sûr dans le sucre. La saveur piquante est associée au poumon. On la retrouve dans un grand nombre d’épices comme la coriandre, le piment, le poivre noir mais aussi, de manière plus surprenante, dans la menthe ou la pistache. Cette saveur a la caractéristique d’être « extériorisante, c’est-à-dire qu’elle amène l’énergie et les liquides vers la surface du corps, vers la peau »10. La saveur salée, présente dans le crabe, la viande de porc ou encore dans le sel de cuisine, est reliée aux reins. C’est une saveur à consommer modérément, sous peine d’effets négatifs sur les reins, les os ou le cœur.
Ces notions de saveur et de nature sont encore très utilisées en cuisine et permettent de caractériser les aliments, mais elles tendent toutefois à l’être de moins en moins dans la pratique médicale, comme dans la phytothérapie chinoise.
L’harmonie dans l’assiette
En connaissant sa propre typologie et la nature des aliments, il s’agira de choisir ceux qui conviennent le mieux afin de créer un équilibre dans l’organisme. Un même aliment ne sera pas bénéfique pour tout le monde. De manière générale, les aliments yang rééquilibrent les personnes yin, alors que les aliments yin rééquilibrent les personnes yang. Le choix des aliments et de leur mode de préparation s’effectuera donc en fonction de sa typologie, de ses besoins spécifiques mais également… d’après la saison, un élément important à prendre en compte d’après la diététique chinoise. Composer son assiette en considérant ces différentes variables11 permet, selon la médecine chinoise, d’harmoniser à l’intérieur de soi les forces vitales yin et yang de l’univers et influencer favorablement son bien-être.
La diététique chinoise est riche et complexe, ainsi pour profiter pleinement de ses atouts - notamment quand il est question de soigner les troubles de santé - il est nécessaire de faire appel à un spécialiste qui saura déterminer le plat qui vous convient et y associer deux ou trois plantes chinoises pour exacerber l’action du plat. Dans les principales villes chinoises on trouve même des restaurants gastronomiques qui, avant le repas, proposent une consultation auprès d’un médecin nutritionniste qui saura conseiller les mets les plus adaptés.