Mais qui a bien pu avoir l’idée d’ouvrir un restaurant gastronomique à La Paz, en Bolivie, un pays de dix millions d’habitants, éloigné des épicentres traditionnels de la gastronomie mondiales que sont New York, Paris, Londres et Tokyo? Gustu, c’est son nom, a pourtant ouvert ses portes courant 2013 dans un garage réaménagé. Le chef Kamila Seidler y met en œuvre une cuisine qui valorise le terroir et les traditions boliviennes. Pourtant, ce restaurant n’a rien de bolivien; il a été entièrement conçu et financé par un entrepreneur danois, Claus Meyer.
Surprise, la capitale gastronomique est danoise !
Ce restaurateur et homme de médias n’en est pas à son premier coup d’essai. En près de 20 ans, Claus Meyer a ouvert une quinzaine d’établissements dans son pays natal. Son fleuron est le Noma, un restaurant ouvert au début des années 2000 dans un ancien entrepôt désaffecté, au cœur de Copenhague. Sa vocation? Promouvoir les produits de la cuisine danoise ainsi que l’indique son nom qui est une contraction de Nordic Mad ou alimentation du Nord. A sa tête, le chef danois d’origine macédonienne, René Redzepi.
“Aujourd’hui encore, le restaurant, qui n’accueille que 40 clients par service, reçoit 100 000 demandes de réservation par mois !”
Un succès qui a porté le Noma, doté de deux étoiles au guide Michelin, à la toute première place des cinquante meilleurs restaurants du monde (50 BEST).
Communiquer grâce à sa cuisine nationale
Cette réussite exceptionnelle incite différents pays à s’inspirer de ce modèle de développement. Ils partent du principe qu’une culture culinaire dynamique permet de communiquer hors des frontières, de raconter une histoire positive et chaleureuse et d’instaurer une influence positive. La cuisine devient un outil primordial du « soft power », une manière d’imposer en douceur la puissance culturelle et médiatique d’un pays et d’en augmenter l’attractivité. Cette manière de faire est d’autant plus précieuse qu’elle est accessible, l’investissement total restant relativement faible.
“Jouer dans la cour des grands du «marché» culinaire mondial devient aussi possible pour les petits pays.”
La globalisation réveille les appétits
De la Bolivie et du Danemark, l’innovation culinaire émerge donc de toutes parts. Surtout, elle n’est plus réservée aux grands pays dotés de traditions culinaires riches et anciennes comme le Japon, la Chine, l’Italie ou la France. Ces dernières assistent aujourd’hui à l’émergence de cuisines concurrentes et conquérantes. Elles sont le fait de nations qui ont compris l’importance de mettre en avant la vitalité de leur culture culinaire à l’ère du numérique et de la globalisation. Les années 2010 sont celles d’une révolution de l’ordre établi qui tend à un rééquilibrage des cultures culinaires, entre petits et grands pays, économies développées et en voie de développements.
Aux sources de la cuisine moderne
Les fondations de la cuisine actuelle sont à rechercher au début du XXe siècle à travers l’apport essentiel du cuisinier français Auguste Escoffier. Il est le premier à appliquer une approche moderne à la cuisine, à organiser, à répertorier et à systématiser. Dans ces années qui préfigurent le taylorisme industriel, Escoffier pose le principe des brigades organisées par poste technique. Chaque équipier joue son rôle et les assiettes sortent les unes après les autres avec une régularité exemplaire. Dans son Guide culinaire, il organise également les recettes de cuisine. Cette approche éminemment rigoureuse fait la renommée et la richesse de la cuisine française au XXe siècle. Elle est la condition de son succès et explique sa suprématie tout au long de ce siècle.