Autrefois confinés à la pharmacie et la salle de fitness, ils ont débarqué depuis une quinzaine d’années dans les supermarchés et envahi les sites de vente en ligne : les compléments alimentaires et les aliments enrichis se comptent par milliers. Ceux spécialement dédiés aux sportifs promettent une récupération plus rapide et efficace, une augmentation de la masse musculaire aux dépens de la graisse et/ou une optimisation de l’effort. Les noms mystérieux de certaines des molécules impliquées préfigurent des pouvoirs qui ne peuvent qu’être scientifiquement prouvés aux yeux du néophyte: carnitine, créatine, antioxydant, bêta-alanine…
Rösti, ugali et orgie calorifique
Le champion américain de natation Michael Phelps ne semblait pas s’embarrasser de compléments, lui que les médias disaient en 2008 ingurgiter en période d’entraînement 12000 calories journalières, composées surtout de graisses, féculents et sucres. Champion d’Europe de marathon fraîchement retraité, le Suisse Viktor Röthlin mangeait volontiers des röstis (galettes de pommes de terre) la veille d’une course. Ses concurrents kenyans quant à eux ne jurent encore aujourd’hui que par l’ugali, une bouillie de farine de maïs. Et n’importe quel sportif amateur sait qu’une platée de pâtes le jour précédant une échéance physique lui sera bénéfique et qu’il aurait tort de se priver des morceaux de banane proposés au cours d’un exercice d’endurance. Bref, l’importance des glucides dans la performance et la récupération physique est aujourd’hui avérée, à l’instar d’une hydratation adéquate et de la nécessité de compenser les sels minéraux perdus avec la sueur.
Du laboratoire aux affres du terrain
La physiologie nutritionnelle de l’exercice et de la performance physique ont formé le cœur des travaux conduits par Jacques Décombaz au cours de sa vie professionnelle. Avec pour objectifs de mesurer l’intérêt et l’efficacité d’interventions nutritionnelles sur le métabolisme énergétique de personnes placées en situation d’effort. Consultant dans le cadre de la rédaction de cet article, il est aujourd’hui en retrait mais n’en continue pas moins de pratiquer la course à pied et de rédiger la rubrique nutritionnelle d’une revue suisse destinée aux coureurs comme lui 1. Au fil de ses articles, toujours précis dans la description des mécanismes métaboliques, des enjeux recherchés et des résultats obtenus, l’on suit l’avènement de toutes ces molécules qui ont affolé le monde sportif de ces vingt dernières années. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Après l’engouement, l’heure est à la nuance. A titre d’exemple, la carnitine et la créatine, deux molécules qui ont connu leur heure de gloire, la première pour son rôle dans la combustion des graisses et la seconde pour sa compétence à accélérer la récupération et améliorer la capacité d’entraînement. Les interactions de ces molécules avec l’organisme lors de phases d’effort et de récupération ont été décrites et précisées lors de recherches bien cadrées en laboratoires. Cette chimie de l’effort s’est révélée toutefois plus difficile à influencer sur le terrain. Les suppléments ciblés de carnitine et de créatine, molécules que l’organisme produit naturellement, n’ont pas fait la preuve d’améliorer la performance sportive (mais en réhabilitation oui pour la créatine). Si un apport de créatine aide à augmenter la masse musculaire, il favorise surtout une rétention d’eau. Pour un sportif qui veut rester léger, c’est donc potentiellement contre-productif.
Que faire de ces gouttelettes de graisse ?
Elles sont présentes à l’intérieur même des fibres musculaires «comme de petits bidons de carburant à proximité immédiate du carburateur». Elles, ce sont de petites gouttelettes de graisse (lipides intramyocellulaires ou IMCL) qui ont mobilisé toute l’attention de scientifiques du Centre de recherche de Nestlé2, sans qu’un développement pratique n’ait pu être concrétisé à ce jour. Ces petites gouttelettes sont pourtant très intéressantes du point de vue nutritionnel et sportif: les muscles des coureurs d’endurance en sont persillés. Le sédentaire a peut-être de la graisse sur les hanches mais il en a deux fois moins dans ses muscles que le coureur. Ce dernier, qui a besoin d’une source d’énergie importante et régulière – les lipides apportent deux fois plus de calories que les glucides pour un même poids – les emmagasine opportunément au plus près de leur site de combustion et les consume activement lors d’efforts prolongés. On a imaginé qu’en intervenant sur leur capacité de stockage, l’on pourrait par exemple apporter de l’énergie sur un plus long laps de temps. Des manipulations diététiques en ce sens n’ont pour l’instant pas influencé positivement la performance.
Detail of "Standing women"
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Detail of "Standing men"<br />
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