Les réseaux sociaux des jeunes Chinois regorgent de photos de nourriture. C’est par ce biais que les points de vue se définissent : Tu es ce que tu manges. Les plats traditionnels ont des noms qui résonnent comme des vœux. Un plat de maïs et de pignons s’appelle « Or et argent pour la maison ». Il est servi quasiment à tous les repas de mariage. Les couleurs du plat, le blanc et le jaune, symbolisent en effet la richesse et la santé. En Chine, toutes les affaires importantes se règlent à table. La surenchère est de mise quand on reçoit. On ne se salue pas en demandant « Comment vas-tu ? » mais « As-tu déjà mangé ? » Le pays se définit par sa culture culinaire. A l'instar de l’Italie dont la cuisine décrit l'âme mieux que tout.
Mais depuis le début du siècle, le plaisir de manger est gâché par la prolifération des mises en garde contre des produits alimentaires toxiques, contaminés, contrefaits, périmés et pourtant mis en vente. Il est devenu difficile de manger sainement à cause de la « gutter oil » récupérée dans les égouts et vendue un peu partout comme huile alimentaire ; à cause de la viande de porc qui, selon un communiqué effarant, contiendrait des substances si étranges qu’elles luisent dans l’obscurité ; à cause du cadmium dans le riz et des métaux lourds dans le gingembre.
« Après une série d’incidents alimentaires toujours plus macabres, le label “Made in China” déclenche depuis une angoisse mortelle chez les Chinois », commentait le Wall Street Journal.
Je voudrais que Madame Zhang, une enseignante à la retraite, m’apprenne à cuisiner sainement des plats faits maison. Elle vit avec son mari dans le centre de Shanghai. Sexagénaire gracile, aux cheveux mi-longs d’un noir à peine grisonnant, elle porte une robe bleue à fleurs. Elle tient à la main un sac en tissu vert et son petit Nokia d’imitation. Le tonnerre gronde. Le ciel est de couleur brune. Le jour et la nuit se ressemblent à Shanghai.