Le malheur des uns fait le bonheur des autres. L’extrait de stevia a déboulé sur le marché européen au moment où, dans les années 2000, la rumeur mettait à mal l’aspartame, vedette incontestée des édulcorants depuis les années 1960, lui attribuant des risques cancérigènes. À l'inverse, le glycoside de stéviol, stévioside ou encore rébaudioside A est, lui, nimbé d'une aura de nature profonde. Il est tiré de la plante Stevia ribaudiana, qui pousse dans les forêts du Paraguay et du Brésil. Les populations indigènes de ces régions consomment cette plante depuis toujours pour adoucir leur maté. Son extrait possède un pouvoir sucrant jusqu’à 300 fois supérieur à celui du sucre blanc tout en n’affichant pas la moindre calorie1. En l'espace de trois ans, entre 2009 et 2012, ce produit aux propriétés qu’on jurerait miraculeuses a conquis 36% du marché des édulcorants de table2.
Or, selon certains experts en risques sanitaires, la substance n'est pas dépourvue de dangers pour la santé. « Ce que l’on appelle édulcorant naturel est issu d'extraits, très concentrés, de plantes », explique Marie-Louise Scippo, professeure en risques chimiques associés aux aliments à l’Université de Liège. La toxicité du glycoside de stéviol a été évaluée par le Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives JECFA (Comité mixte d'experts des additifs alimentaires), composé de membres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2008. Ce dernier recommande de limiter à 4 mg/kg de poids corporel la dose journalière admissible (DJA)3. Cette mesure de sécurité est appliquée aujourd’hui dans toute l’Europe et aux États-Unis.
La pureté et la nature, des arguments marketing efficaces
©Shutterstock/Zety Akhzar
Un marché en pleine croissance
©Shutterstock/ellinnur bakarudin
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Doutes sanitaires
« Ce comité mixte a été mis en place pour protéger la santé du consommateur et promouvoir des pratiques équitables dans l’alimentation », explique Zoie Jones, chargée de communication de la FAO. « Le Codex Alimentarius est une compilation de normes, lignes directrices et codes de pratique adoptés par la commission du même nom. […] Ces textes sont des recommandations non contraignantes qui ne deviennent obligatoires que si elles sont acceptées dans la législation nationale. »
« On découvre depuis quelque temps que le récepteur du goût sucré n’a pas d’effet seulement sur la langue, mais aussi sur l’intestin, le pancréas ou encore le tissu adipeux », signale Loïc Briand, chercheur au Centre des sciences du goût et de l’alimentation (CSGA) de Dijon. « Cela pose encore plus de questions sur l’impact ou les éventuels risques des édulcorants sur la santé. »
Aujourd’hui, seul l’extrait de plante purifié est autorisé. La feuille de stevia, fraîche ou séchée, est interdite de commerce en Europe et aux États-Unis4. En Chine, premier producteur mondial de stevia, la plante est massivement utilisée pour lutter contre l’hypertension. Et l’atout de cette plante est qu’elle pousse facilement, sous réserve d’un minimum d’humidité. Le leader du secteur, le malaisien PureCircle, se fournirait dans une vingtaine de pays sur les cinq continents5.
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